Les lectures Voyelles de Philippe Aurèle présentent :
IMMORTEL AD VITAM
de Cécile Pommereau
Éditions Noir d’Absinthe
Couverture : Alix Macron
Maquette : Tiphs
Parution : Septembre 2018
ISBN : 978-2-490417-12-4
Genre : Polar Fantastique
Format : broché et numérique
Prix : 15,00€ (broché) ou 0,99€ (Kindle) / 141 pages
Résumé éditeur :
Fred a un physique banal et les poches trouées. Il n'arrive pas à garder une fille plus de trois semaines et sort de prison. Pour couronner le tout, c'est le jour où il essaie de se foutre en l'air qu'il apprend qu'il est immortel. Fred n'a pas de chance. Jean, lui, est flic. Il pensait avoir tout vu après trente ans passés à la Crim'. Mais voilà qu'un beau jour, un de ses cadavres se paye le luxe de se tirer de la scène de crime. Pour lui c'en est trop et il est bien décidé à le retrouver. Il ne manquerait plus qu'il parte en retraite avec une affaire non élucidée...
Parisienne, Cécile Pommereau est en couple, a deux chats et un bonsaï qu'elle peine à ne pas faire mourir (le bonsaï, hein pas les chats). Elle est policière depuis 2006 et enquêtrice depuis 2009. La majorité de ses phrases commençant par "poursuivant l'enquête de flagrance", ou encore "vu les propos divergents de Mr et Mme...", elle s'est naturellement tournée vers l'écriture d'Immortel ad vitam, son premier roman, pour explorer d'autres registres.
Comment ce livre m’est-il tombé entre les mains ?
J’ai rencontré Cécile sur le groupe Facebook « Littératures de l'Imaginaire : SF, Fantasy, Fantastique et Horreur », qui mêle autant de lecteurs que d’auteurs. Le pitch de son roman a su me convaincre de tenter l’aventure et j’ai eu la chance d’aller chercher mon exemplaire, dédicacé, dans le commissariat de police dans lequel elle travaille.
Parfum d’Ambiance
Du point de vue de l’ambiance, « Immortel Ad Vitam » est un roman assez curieux : il commence comme un polar, voire un roman noir, avec son lot de flics, de mafieux et de losers, avant de bifurquer vers des sentes de traverses telles que la romance, la quête métaphysique à la « Da Vinci Code » et bien sûr le Fantastique.
Fred est l’archétype du loser, le gars ni beau ni moche, ni grand ni petit, ni vraiment teubé ni particulièrement intelligent, une caricature du monsieur-tout-le-monde que personne ne remarque. Il pourrait être moi, ou je pourrais être Fred, s’il n’était poursuivi par une déveine tenace : devenu pompier dans l’espoir, pas si vain, que le prestige de l’uniforme le rende un peu moins transparent, notamment aux yeux de la gente féminine, Fred va tomber, au hasard d’une énième intervention de secours, sur un immortel qui va lui repasser sa malédiction. Malédiction ? Oui, parce que tout le monde va croire que Fred a tué celui qu’il était venu sauver et qu’il va ainsi perdre les quelques attaches familiales qu’ils lui restaient, ses amis et son boulot. Ce n’est qu’en tentant de se suicider que Fred va prendre conscience de son nouvel état…
Jean, quant à lui, est le genre de flic qui aime bien comprendre, le genre à ne pas admettre qu’un gars qui a pris une balle de 9 mm entre les deux yeux puisse ensuite prendre la tangente à pied. Lui aussi correspond à un archétype bien connu des lecteurs de polars, celui du vieux flic usé, qui connait toutes les ficelles du métier, à deux doigts de la retraite. Il offre cependant une belle profondeur et Cécile lui a accordé la grâce de n’avoir pas perdu toutes ses illusions.
Des personnages secondaires récurrents viennent enrichir l’histoire, notamment la fille et Léa, qui ne participent pas à la trame narrative mais disposent néanmoins de personnalités propres et riches.
Avec de telles bases – un loser, un vieux flic, une quête métaphysique et le thème de l’immortalité – on pourrait craindre un récit en demi-teinte, empreint de certaines longueurs… Il n’en est rien, grâce à l’alternance rapide des points de vue, mais aussi et surtout grâce à l’humour omniprésent dans le texte : les personnages se vannent régulièrement et les situations les plus dramatiques s’achèvent souvent par un trait d’esprit plutôt que de sombrer dans le pathos ; on s’amuse beaucoup à la lecture de ce roman.
« XXX reprit connaissance en quelques secondes. Il ouvrit les yeux :
- T’es vraiment un connard !
- J’allais pas laisser la mort ruiner mon rencard avec Léa ! dis-je en reniflant dans un sourire.
- Tu l’as fait, hein ?
- Félicitations Monsieur, vous êtes l’heureux propriétaire d’une immortalité toute neuve !
- Ben manquait plus que ça. »
Note du chroniqueur : XXX souhaite rester anonyme pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte.
J’Écris ton nom Liberté
De la liberté, Cécile Pommereau en a pris, notamment par le choix d’un récit très rythmé grâce à l’alternance particulièrement rapide des points de vue des deux personnages principaux, Fred et Jean. Certains chapitres atteignent à peine les deux pages et reviennent rarement en arrière, ce qui permet d’avancer très rapidement dans l’intrigue, mais passe un peu vite sur le choc psychologique que devrait être la confrontation des protagonistes à l’immortalité, le sujet central du roman.
Pour être tout à fait honnête, pour avoir lu ce roman deux fois, j’ai eu un petit peu de mal à rentrer dedans à cause de la narration à la première personne. J’ai encore la phrase qui débute le deuxième chapitre en travers de la gorge :
« J’étais un commandant au bord de la retraite. »
Heureusement, cela n’a duré que le temps de la mise en place des personnages – dans les deux très courts premiers chapitres – avant que je ne sois complètement emporté par l’histoire, le rythme et la plume cynique de l’autrice ; que ce soit lors de ma découverte, comme à la relecture.
La plume de Cécile est efficace, résolument moderne et sans fioritures inutiles. Elle colle particulièrement bien à l’histoire et aux personnages.
« - T’es quoi au juste, comment ça se fait que t’es pas mort ?
Bon, quitte à être con, autant y aller jusqu’au bout.
- C’est quoi ton matos ? Un Beretta ? Ben ouais aussi, si les Italiens (sic) étaient faits pour fabriquer des armes, ça se saurait. Vous auriez dû acheter allemand. C’est fiable l’allemand.
Une autre torgnole me dévissa la tête. Aouch.
- Nan, mais je dis ça, de toute manière c’est pas le flingue qui cloche, c’est la balle. Faut une balle en argent, pis dans le cœur hein, pas dans la tête.
- Une balle en argent ? Tu te fous de ma gueule ?
- Ben non, mais dépêchez-vous, faut faire ça avant la pleine lune sinon, c’est ta lune qui va être pleine. »
On ne va pas prendre d’Intrigants
Il y a un extrait du livre qui résume parfaitement bien ce que je pense de la façon dont l’autrice a conduit l’intrigue :
« Alors quoi, c’était tout ?
Je me sentais comme quelqu’un qui avait regardé un bon film, mais devait le couper à dix minutes de la fin. C’était frustrant. Mais après tout, ce n’était qu’un film dont je ne verrai jamais la fin : je vivrai très bien sans. »
Je ne vous le cacherai pas, vous allez donc probablement ressortir un peu frustré de la lecture de ce livre ; rien de grave en soit, vous aurez probablement passé un très bon moment de lecture, mais… rhaâa, cette fin, c’est énervant !
Je vais quand même souligner que l’intrigue est très bien menée, de manière assez linéaire mais efficace.
Objectif immortalité ?
« Immortel Ad Vitam » est-il à l’image de son thème, immortel ? C’est la question que l’on peut se poser quand l’on sait qu’il vient de renaître de ses cendres à peine la disparition de son premier éditeur, les regrettées éditions Dreamcatcher, constatée. Ce sont les éditions Noir d’Absinthe qui viennent de reprendre le flambeau, en leur souhaitant qu’elles survivent à ce livre.
N’ayant en main que la première édition, il m’est donc difficile de porter un jugement sur l’objet-livre aujourd’hui disponible à la vente. Connaissant le sérieux de Tiphs pour le compte de NdA, je ne doute pas que le travail soit de qualité, d’autant qu’il avait déjà été fait avec sérieux par Dreamcatcher.
La couverture d’origine, réalisée par Alix Macron, a été reprise dans la nouvelle édition. Je serai bien incapable d’en faire autant mais je n’en suis pas vraiment fan : elle est un peu trop amateur à mon goût personnel et pas vraiment dans la veine de ce qui a été proposé par NdA jusqu’à présent.
Universel de cheval
Ce roman est destiné à un public adulte que je n’offrirais pas à un ado de moins de 15 ans. Il y a pas mal de scènes violentes, au moins dans la première partie du texte et le thème central du roman – la mort – le destine à un public mature.
Cécile Pommereau ne donne pas vraiment d’indication sur une éventuelle suite qu’elle pourrait donner à cette histoire. J’ai quant à moi bien envie de lui dire que si elle a volontairement laissé l’intrigue dans le flou par feignasserie, il serait bien temps qu’elle retrousse ses manches et se triture la cervelle pour nous livrer un deuxième opus qui lèverait le voile sur les zones d’ombres qui obscurcissent le premier ; d’autant que je retrouverais personnellement avec un grand plaisir ses personnages comme sa plume.
On remonte en selle, cowgirl !
Alors, Youpi ou Yucca ?
Peut-on dire à une femme armée que son livre est une bouse ? Je le ferai donc d’autant moins que j’ai beaucoup aimé sa création. Il y a bien deux-trois trucs que j’ai mentionnés plus haut qui empêchent que je crie au génie, comme le dirait Han Solo, mais vous pouvez y aller en confiance, c’est de la bonne.
« J’avais filé à la vitesse de l’éclair. Je ne tenais pas à finir avec des bottes en béton au fond du canal de l’Ourcq, puisqu’ils semblaient être de l’ancienne école. La seule idée de me noyer éternellement au milieu des déchets parisiens et des Vélib’ volés me collait des frissons à n’en plus finir.»
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